Alain Louiset bonjour, vous êtes né en mai 1964 au Havre. Vous êtes de souche Havraise ? Oui de souche Havraise, né à Sainte Adresse. Pourquoi vous dénommez vous plasticien alors que vos œuvres « les compressions plastiques » et maintenant les « Cut containers » s’apparentent plutôt à la sculpture ? La sculpture c’est partir d’une masse et sortir du volume, évider. A partir de là je ne considère pas que l’amalgame soit un travail de sculpture, c’est pourquoi la définition de plasticien me parait plus appropriée.
Vous peigniez avant d’être plasticien, quel a été votre parcours ? J’ai dessiné avant de peindre, j’ai eu un parcours assez chaotique. A 5, 6 ans j’avais déjà toujours un crayon dans la main mais je viens d’un milieu où l’art n’était pas considéré, un milieu simple où il fallait un « vrai » métier. A force d’abnégation j’ai réussi à entrer aux beaux arts mais par des portes détournées. Les beaux arts où j’ai appris la peinture car je pensais devenir peintre. Mais c’est en peignant que j’ai appris que je n’étais pas un peintre. J’ai pris quelques claques devant des Grands, il y a des moments on ne peut pas se mesurer à nos maitres. J’ai eu deux hasards dans ma carrière.J’ai peint pendant douze, quinze ans, la compression est venue après lors d’un concours d’art plastique où je n’avais aucune envie de présenter une toile. Je cherchais quelque chose, une idée. Je me suis mis au hasard en quête de matériaux qui pouvaient trainer dans l’atelier et c’est comme ça qu’est née ma première pièce en volume, en 3D. Un ourson qui a été primé d’entrée. A partir de la j’ai continué sur ma lancée pour arriver à une soixantaine de pièces qui d’ailleurs ne sont pas vraiment de la compression. La compression referme le volume moi je créais plutôt du volume par assemblage. Je pense maintenant avoir fait le tour de ce genre de travaux et j’ai trouvé qu’il était temps de passer à autre chose, d’ouvrir une autre porte.
Une autre porte … de container (rires).
Qui sont vos maîtres ? Un de mes premiers chocs a été Picasso. Je n’avais que 10, 11 ans pendant cette fameuse sortie d’école à une exposition sur Paris. Picasso découvert jeune est devenu un peu mon père spirituel. Quelques années après cela a été ma rencontre avec César. Là j’ai compris qu’il y avait un jeu encore différent, je me sentais plus proche des ses matériaux de récupération. C’est peut être pour cela que je suis arrivé plus tard aux matériaux de récup et aux compressions.
Pour créer vos « compressions plastiques » comment vous est venue l’idée d’utiliser des matériaux tels que de vieux emballages ou des déchets en plastique pour réaliser vos sculptures ? Ils nous entourent, on vit avec. Petit à petit je m’étais créé un réseau et les gens savaient ce que je recherchais. Beaucoup d’emballages de produits de consommation courante en plastique ou métalliques.
Comment procédez-vous pour les agglomérer ainsi ? Avec le temps j’avais repéré ceux qui ne cassaient pas en chauffant. Le PVC, le PET, je partais d’une enveloppe en grillage et j’agglomérais couche par couche mes pièces dessus. Une succession de strates différentes, un vrai puzzle. Suivant les matériaux ils étaient soit collés, soit soudés ou alors vissés. Il me fallait trouver le bon alliage.
La cérémonie des Césars est passée maintenant mais cet événement ne vous rappelle rien ? Oui il y a eu cette œuvre, mon hommage à César, volée pendant le vernissage d’une exposition à Dieppe en 2005. Une pièce d’un volume important quand même, 60cm sur 40 qui pesait bien ses 50 kg, disparue comme ça ! Enfin elle a du faire plaisir à quelqu'un et n’a pas été perdue pour tout le monde.
Revenons aux « Cut containers » Quand avez-vous commencé cette série ? Les containers cela fait maintenant trois ans avec la première expo en 2008.
Le Havre et les boites sont indissociables mais comment en êtes vous venu à utiliser le container comme support ? C’est encore un fait du hasard. Bloqué sur l’autoroute en partant en vacances, le nez de la voiture collé au cul d’une remorque à container pendant des kilomètres, je n’avais que ça à admirer. Je cherchais depuis longtemps quelque chose, un support original et je l’avais là sous les yeux. Il y avait tout, le volume, les couleurs, le graphisme, le symbole. C’est un objet planétairement connu, parfait pour jouer avec les portraits des icones planétairement connues elles aussi. L’avantage du container c’est l’opposition de ses lignes froides, droites avec les courbes et les nuances des visages que j’y représente.
Vos thèmes sont souvent liés au Rock&roll des années 70, mais vous représentez aussi d’autres icônes des arts ou de la politique. Comment choisissez-vous vos sujets ? Je représente les personnes que j’aime, qui m’ont marqué. Je compte d’ailleurs me pencher vers les écrivains, ils y a beaucoup d’auteurs à qui je voudrais rendre hommage.
Vos caissons sont en fait des pochoirs sur des bouts de containers, mais des pochoirs en relief. Comment avez-vous nommé cette technique ? Je n’ai pas donné de nom, j’ai gardé le premier nom donné à ma première expo « Cut container » conteneur découpé. Et se sont plutôt des pochoirs en volume plutôt qu’en relief.
Si ce n’est pas un secret, comment procédez-vous pour donner ce volume à vos portraits ? C'en est un, mais en observant on se rend bien compte que c’est un décalage entre la surface et le fond. Fonds qui bien sur ce ne sont pas de vrais bouts de containers. Je crée toutes les pièces à l’échelle.
Combien de temps vous faut-il pour réaliser un « Cut container » ? C’est très variable, cela dépend du volume du container et de la complexité du personnage. Pour un personnage chauve comme Picasso j’ai eu moins de mal que pour Hendrix. Sur le Authouart, pièce sur laquelle je travaille en ce moment, j’ai tout le travail de la reproduction des marques visibles sur ses toiles que je représente sur le Tee-shirt. En plus il y a d’autres détails que j’ai l’intention d’y ajouter. C’est un travail de titan qui n’est pas prés d’être abouti.
Vous avez réalisé des portraits du monde de la musique, Bowie, Dylan, Lou Reed, Keith Richard, les Doors, Michael Jackson, Bob Marley. Est-il nécessaire de vous demander ce que vous écoutez comme musique ? Je suis excessivement éclectique j’écoute quasiment de tout, je ne suis absolument pas fermé. Cela va du classique au rap, au rock à la pop.
Comment vous débrouillez vous avec les droits de copyright quand vous reproduisez une pochette d’album ? C’est très réglementé, bien cloisonné, ces règles bien précises je les respecte de près. De plus je fais des pièces uniques qui ne sont pas reproduites
Vous allez faire partie de jury qui départagera la trentaine de graffeurs participant à l’opération le Havre et l’Unesco le 12 juin. Qu’est ce qui vous attire dans le graff et que pensez-vous du travail des pocheurs de rue et de l’art urbain en général ? Moi je suis très curieux de nature, tout ce qui a trait à la rue m’intéresse, la rue c’est la diversité des supports. Un graff sur un mur en brique ou une porte n‘aura pas le même impact, sera différent, il aura un autre relief que sur un mur lisse en béton. J’aime les couleurs, le graphisme délirant du graff dans les lettrages, les fresques et les persos. Il y a aussi le pochoir, le collage.Je suis persuadé que c’est un art qui est promis à un bel avenir. J’aurais aimé m’y adonner, je n’ai pas osé y toucher jusqu’alors mais qui sait ?
Pensez-vous réaliser des œuvres plus grandes, un sujet sur une porte complète de container par exemple ? Bien sur, j’ai même une idée bien précise à ce sujet. Il faudrait que cela rentre dans le cadre d’un festival ou d’une performance. Je voudrais faire le découpage d’une vraie porte de container en direct au chalumeau. C’est à l’étude.
Ou peut-on voir votre travail, avez-vous des projets d’expositions ? En ce moment il a quelques pièces à la galerie Hamon, à la galerie Dorothy’s à Paris. Peut être en octobre à Paris pour l’expo Mac 2000. Mais ma prochaine exposition au Havre à la galerie Hamon se fera en 2011.
Quels sont vos projets, vos aspirations. Vers quoi allez-vous vous tourner maintenant ? Représenter d’autres icones sur mes « Cut » bien sur. C’est encore dans les cartons mais j’ai aussi une demande de design pour l’agencement complet d’un magasin. Cela tournera bien sur autour de mon travail sur le container, des pièces de 3m. Je pense aussi y introduire des stickers.
Alain Louiset, pour vous c’est quoi être un artiste ? Être artiste c'est avoir 6 ans, être sur son vélo rouge et attendre l'étincelle de fierté dans les yeux de sa mère quand tu lui hurles, « Regarde maman comme je sais bien en faire !! » Voila je suis toujours sur ce vélo et j’attends l'étincelle dans les yeux des autres.
Alain Louiset merci de m’avoir accueilli dans votre atelier, merci de m’avoir permis de photographier vos travaux en cours et de m’avoir autorisé à publier les clichés de vos œuvres pour illustrer cet articles et votre mini galerie.
Propos receuillis par Mr Yak Le Havre le 27/04/2010
Site web : Alain Louiset.fr
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Commentaires
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